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Les trois coups, lundi 1er février 2010

Un « monstre moussu »

Nouvelle création de la Cie L’interlude T/O, « Dehors peste le chiffre noir », texte de la jeune auteure autrichienne Kathrin Röggla, sonne singulièrement juste en cette période de crise mondialisée. Sous la forme d’une tragédie chorale sur le surendettement, Eva Vallejo et Bruno Soulier mêlent paroles et musique, social et poétique.

Les précédents spectacles d’Interlude T/O – T/O pour « Théâtre-Oratorio » –, Inventaire et la Mastication des morts, se sont distingués par le caractère symphonique de leur forme. Pour Eva Vallejo et Bruno Soulier, la mise en jeu d’un texte se fait à la fois de manière spatiale et sonore : la musique, toujours composée pour l’occasion et interprétée en direct, est un élément fort de la scénographie globale, et se voit doublée d’une sonorisation contemporaine plutôt pointue – Bruno Soulier cite Steve Reich et Pierre Schaeffer dans la liste de ses inspirateurs. Dehors peste le chiffre noir ne déroge pas à la règle et va même encore plus loin dans la fusion du mot et de la note.

Il faut dire que le texte de Kathrin Röggla est idéal pour ce genre d’expérience. Composé comme un micro-trottoir glané dans les rues de Linz et de Berlin, il regroupe soixante-dix scènes sans personnages, identifiables uniquement grâce à un numéro. La liberté laissée ainsi par l’auteure permet aux deux metteurs en scène d’en faire à loisir des monologues, des dialogues, des psalmodies ou des chœurs. En l’occurrence, ils ont choisi cinq comédiens pour incarner ces mille et une voix possibles, ces actualisations différentes d’un même chœur, ces assemblages et désassemblages permanents de témoignages.

L’espace scénique, dégagé – si l’on excepte la présence des musiciens au fond de cour et jardin – et anonyme permet à ces rencontres d’advenir. En fond de scène, comme dans un couloir d’administration froid et impersonnel, se dresse un mur de portes semi-opaques en Plexiglas déformant, derrière lesquelles se réfugieront et se distordront parfois les comédiens.

La mise en scène est alerte, rythmée, physique. L’éclatement du jeu et des comédiens qui passent d’une scène à l’autre dans une urgence des corps procure à l’ensemble une tension qui sied bien au propos. Dans le texte, les ruptures de ton sont également fréquentes et bien amenées. L’œuvre, remarquablement écrite, poétique, imagée et violente, ne porte pas de jugement, mais éclaire une situation souvent honteuse, un « monstre moussu » abstrait qui se tapit dans le noir et grignote lentement l’existence.

Les cinq comédiens, qui différent les uns des autres par l’âge, le physique, la voix et la technique de jeu, représentent le spectre social et générationnel de tous ceux qui peuvent être concernés par ce drame. Pas une unité, mais une choralité, souligne Eva Vallejo, qui fait partie de la distribution. Avec une énergie et une conviction communicatives, les acteurs empoignent, même si ce n’est que pour quelques secondes, ces identités à bras-le-corps pour être tour à tour le contrôleur des comptes, le représentant de la société d’électricité, la femme accro à la vente par correspondance ou l’employé de banque. Tous les drames ordinaires de gens seuls et réunis par leur solitude dans le grand marché monétaire.

Sarah Elghazi

Libération, jeudi 21 janvier 2010

«Révolté et douloureux, mais aussi drôle car désespéré. […] Dehors peste le chiffre noir est d’une remarquable cohérence artistique. Et politique.» Grégoire Biseau

Sortir, jeudi 7 janvier 2010

Dehors peste le chiffre noir, ou la vie à crédit

Dénonciation de l’horreur économique, du surendettement et de l’aliénation sociale qui en découle, ce plaidoyer anti-capitaliste de Kathrin Röggla est magistralement monté par l’Interlude T/O

Au bal du surendettement, nous sommes tous invités à constater que la « substance de l’argent » qui a envahi nos vies ne lui a pas donné un supplément d’âme, que c’est même tout le contraire. On savait depuis Proudhon que « la propriété, c’est le vol », mais que dire d’une société qui a institutionnalisé la possession au point de renvoyer à ses marges tous ceux qui ne répondent pas aux critères de profits maximums qu’elle s’est fixé ? «Chômeurs, gens du bâtiment, accidents de la vie, congés maladie, assistés sociaux, femmes d’indépendant, victimes du cautionnement, farfadets de la finance, rombières accros à la vpc (rombières compulsives) (…) Top salaires, leaders du marché mondial, le génie de la vente, monsieur superanalyste, madame pouvoir médiatique (…) Coupeurs de courant, contrôleurs sociaux, les mômes à cartes… » ils sont tous là, convoqués par Kathrin Röggla et sa langue subversive, décapante, poétique, humoristique et musicale.

Quand on a des dettes…

Pour écrire sa pièce la plus documentaire, l’auteur et ancienne journaliste autrichienne Kathrin Röggla a mené un travail d’enquête à Berlin et Linz auprès de personnes endettées, d’organismes bancaires, de conseillers en rachat de crédit et de spécialistes en conseil juridique. L’originalité de ce texte polyphonique réside à la fois dans son sujet, prémonitoire à la date de création de la pièce en 2005, mais aussi dans une écriture qui confine à l’envoûtement. Répétitions, leitmotiv, phrases courtes, rythme hoquetant, épuisant, car langage de gens épuisés par une overdose destructrice de consommation absurde et galopante. Pas étonnant qu’Eva Vallejo (metteur en scène) et Bruno Soulier (compositeur) aient été touchés par ce texte qui se prête merveilleusement au travail qui est le leur depuis la création en 1994 de L’Interlude T/O et du concept de Théâtre/Oratorio, incarner avec le corps et la voix des acteurs une vision tragique du monde contemporain porté par le son articulé ou chanté des mots. Pour questionner la forme théâtrale au-delà des rapports théâtre/musique, ils repoussent les frontières de la voix parlée et de la voix chantée et tissent un lien à travers l’écoute, entre le corps et la voix. Voix de l’acteur, corps de l’acteur, mais aussi du spectateur qui est comme happé par les cinq comédiens dont on peut saluer la performance d’acteur, et qui évoluent tels des danseurs dans un décor de verre et d’acier – bureau, hall de banque ou magasin – et dialoguent avec trois musiciens sur une musique hypnotique composée par Bruno Soulier et que n’aurait pas renié la musique répétitive américaine.

Françoise Objois

La Terrasse, mercredi 12 septembre 2007

Remâcher allègrement sa vie… Eva Vallejo signe une mise en scène résolument joyeuse etrevigorante, à partir des prises de paroles inopinées des défunts d’un cimetière.

Jeu de mâchoires ou pas, le spectateur fait silence devant ce concert acidulé de spectres illusionnistes qui parlent crûment.

Véronique Hotte

Lettre d’information de l’IRCAM, septembre 2007

Patrick Kermann donne la parole à des hommes et des femmes qui, enterrés dans le même cimetière, continuent de ressasser ce que fut leur vie, évoquant notamment les guerres du siècle dernier. Un texte saisissant, non dépourvu d’ironie, dont Eva Vallejo et Bruno Soulier donnent une version vibrante sous la forme d’un oratorio théâtral. Les mots « mastiqués » ne sont pas chantés mais scandés, produisant un effet hypnotique fascinant, nous entraînant, avec eux, dans ce que l’on pourrait définir comme une polyphonie de l’au-delà.

Télérama ***, 20 novembre 2007

On saura gré à la metteuse en scène Eva Vallejo et au compositeur et musicien Bruno Soulier d’avoir su prouver que Patrick Kermann (1959-2000) est un auteur de l’envergure du Georges Perec de La Vie mode d’emploi… la musique follement mélodieuse de Bruno Soulier…

Joshka Schidlow

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