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La Terrasse – Entretien sur dehors peste le chiffre noir, jeudi 1er octobre 2009

« La polyphonie du temps présent »

Ils sont ensevelis sous le manque d’argent, confrontés au surendettement. Dans dehors peste le chiffre noir, l’autrichienne Kathrin Röggla tisse leurs témoignages. Eva Vallejo, metteur en scène, et Bruno Soulier, compositeur, font entendre leurs paroles.

Comment Kathrin Röggla aborde-t-elle la réalité économique et sociale du surendettement ?

Eva Vallejo / Bruno Soulier : Elle a travaillé à partir d’enquêtes menées auprès de toutes les couches de la société touchées par le surendettement. Elle ne compose pas un théâtre purement documentaire car l’écriture transcende la juxtaposition de témoignages pour construire une parole chorale. Au souci d’analyse d’un phénomène contemporain répond celui de sa traduction formelle dans une langue très construite, à la fois reflet des milieux sociaux observés et produit artificiel.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette écriture ?

E. V. / B. S. : Son propos, sa choralité, sa créativité, son cynisme, son empathie, sa distance, son absence de didactisme et de tout misérabilisme, son jeu entre onirisme et absurde… Le texte propose un matériau riche et très construit, sorte de rubik’s cube débridé qu’il nous est loisible de décomposer, démonter et réassembler, pourvu qu’on évite la leçon de morale ou la victimisation.

« L’écriture transcende la juxtaposition de témoignages pour construire une parole chorale. »

Comment traitez-vous cette « polyphonie » scéniquement ?

E. V. / B. S. : La choralité traduit à la fois l’interpénétration entre espace individuel et collectif, sphère publique et sphère privée, et le questionnement porté sur la marge de liberté de l’individu dans sa relation avec l’autre. Il s’agit donc là de déployer une chorégraphie organisant le corps et la parole des uns et des autres au sein d’une scénographie entre salon intime et univers de bureaux.

Comment travaillez-vous cette partition avec les acteurs ?

E. V. / B. S. : L’interprète doit aborder une multiplicité de personnages et construire en même temps son parcours au cœur d’une mise en scène chorale qui le convoque en permanence sur le plateau, glissant d’une parole individuelle à une parole collective, d’un code de jeu à un autre, du dedans au dehors dans la plus grande fluidité. Une très grande importance est donnée au travail rythmique, en relation directe avec l’écriture musicale.

Propos recueillis par Gwénola David

dehors peste le chiffre noir, de Kathrin Röggla, mise enscène d’Eva Vallejo, musique de Bruno Soulier. Du 17 au 20 novembre 2009 au Palace/CDN de Béthune

La Terrasse, dimanche 10 janvier 2010

Après La Mastication des morts en 2007, Eva Vallejo et Bruno Soulier reviennent au Théâtre du Rond-Point avec un texte de l’auteure autrichienne Kathrin Röggla. La comédienne-metteure en scène et le pianiste-compositeur signent un oratorio théâtral aux lignes rigoureuses et ironiques.

«Par le mot et le son, parler de l’homme aujourd’hui, de ce qui fonde son identité». Telle est la devise de L’Interlude Théâtre / Oratorio, compagnie créée en 1994 par Eva Vallejo et Bruno Soulier. Fondant leur univers artistique sur la rencontre de musiques originales et de textes d’auteurs contemporains — Yves Ravey, Patrick Kermann, Philippe Minyana… —, les deux artistes nordistes (leur structure est basée à Lille) travaillent à nourrir le théâtre par la musique et la musique par le théâtre. Ainsi, dans Dehors peste le chiffre noir, cinq comédiens (Catherine Baugué, Lucie Boissonneau, Alexandre Lecroc, Pascal Martin-Granel, Eva Vallejo) partagent le plateau avec un guitariste (Ivann Cruz), une violoniste (Léa Claessens) et un pianiste (Bruno Soulier). Ils le font de manière tenue, exigeante, donnant naissance à un oratorio théâtral à la fois coupant et spirituel. Coupant : de par l’obscurité parfois inquiétante de la scénographie, de par les perspectives sur la société de consommation que dessine le texte de Kathrin Röggla. Spirituel : de par la singularité et la finesse dont fait preuve l’auteure autrichienne.

Une suite de variations sur l’argent et le surendettement

Conçu à partir d’une série d’interviews menées, en Allemagne et en Autriche, auprès de personnes endettées, d’organismes bancaires, de conseillers en rachat de crédit…, Dehors peste le chiffre noir multiplie les points de vue sur les problématiques liées à la suprématie de l’argent, à la paupérisation des classes moyennes et populaires, à l’accroissement des situations de surendettement. Ceci, sans jamais développer de discours manichéens, convenus ou moralisateurs. Et, c’est là l’une des grandes forces de ce spectacle : parvenir à interroger ces thématiques en évitant d’emprunter les sentiers battus des documentaires télévisuels. A travers une suite de saynètes échappant à la notion de personnage, le texte de Kathrin Röggla traite ces sujets comme de biais, avec acuité et ironie. Dehors peste le chiffre noir ne donne ainsi ni dans les grandes professions de foi, ni dans les dénonciations sentencieuses, mais s’amuse à pointer du doigt certains détails de nos vies pour en éclairer les impasses et les contradictions.

Manuel Piolat Soleymat

La terrasse, jeudi 1er octobre 2009

Entre ironie et empathie, entre voix etmusiques, entre sons et sens, la pièce de Kathrin Röggla mise en scène et en musique par Eva Vallejo et Bruno Soulier explore le problème du surendettement.

Le théâtre de l’autrichienne Kathrin Röggla, essayiste et journaliste vivant à Berlin, s’empare de l’actualité économique et sociale la plus récente en créant un théâtre documentaire fondé sur des témoignages qu’elle tisse en les retravaillant afin de créer une parole chorale. dehors peste le chiffre noir s’intéresse aux nombreuses victimes du surendettement, que la crise a durement frappées. Outre les personnes, plusieurs organismes bancaires ainsi que des conseillers en rachat de crédit ont aussi été interrogés. Eva Vallejo, metteur en scène, et Bruno Soulier, compositeur, font entendre cette parole dans un théâtre oratorio où voix parlée et musique se rejoignent. Créée à la Comédie de Béthune, la pièce évite les pièges du misérabilisme et du didactisme au fil d’une langue très construite, explorant divers milieux sociaux et diverses histoires personnelles, et combinant empathie et ironie face au réel et aux existences bouleversées par la crise. Le travail musical, le langage théâtral et l’engagement corporel se mêlent pour tenter d’élaborer une jonction poétique, où les interprètes glissent d’une parole individuelle à une parole collective, d’un code de jeu à un autre. « La choralité traduit à la fois l’interpénétration entre espace individuel et collectif, sphère publique et sphère privée, et le questionnement porté sur la marge de liberté de l’individu dans sa relation avec l’Autre. »précise Eva Vallejo. Le rythme des corps, des mots et de la musique fait partie intégrante d’un imaginaire théâtral où chaque acteur interprète une multiplicité de personnages, pour une polyphonie foisonnante et critique.

Agnès Santi.

La Voix du Nord, vendredi 8 janvier 2010

le surendettement menaçant l’humanité
La patte d’Eva Valejo et Bruno Soullier s’est posée sur la scène du théâtre de l’Idéal…

Avec Dehors peste le chiffre noir , c’est bien l’esprit de la compagnie L’Interlude T/O qui souffle. Metteurs en scène et metteur en son de la compagnie le savent, le texte proposé était du domaine du pari risqué. On n’est pas ici dans le principe de la narration classique, pas de personnages déterminés, d’histoire simple. Au détour de soixante-dix saynètes, le texte de Kathrin Röggla passe au scalpel des mots la question du surendettement. Lorsqu’elle est tombée sur le texte – qui n’a jamais été monté en France – il y a plus de deux ans, la crise n’avait pas encore fait ses ravages. Le surendettement, ça intéresse qui ?

Aujourd’hui, le texte est d’une actualité désarmante.

L’auteure essaye de ne pas juger, elle se contente de constater, de se placer du côté des surendettés mais aussi de ceux qui gèrent, de ces organismes de crédit où travaillent des gens. Pousser à la consommation des autres, seul moyen apparent de garder son propre travail. Mais avec bonne conscience quand même. « On n’est pas un monstre », martèle un des personnages en séance d’autodéculpabilisation.

Pour mettre en espace cette espèce de « rubik’s cube débridé », comme l’appellent ses concepteurs, il faut tout le talent de l’équipe et du scénographe Hervé Lesieur. On assiste à une véritable chorégraphie des mots et des corps. Une danse comme le font les chiffres quand il s’agit de gérer nos comptes, nous débiter, nous créditer, nous embrouiller. L’auteure ne nous donne pas de réponses, elle nous aide juste à nous poser de (justes ?) questions. Est-ce qu’on est seulement parce qu’on a ?

Et l’on ressort de la pièce en se demandant s’il y a un moyen de faire autrement. Au fil de la pièce, il est parfois difficile de rester concentré, mais cela revient vite et l’on est rattrapé par des moments de poésie, des images fortes et quelques trouvailles liées au travail d’éclairage de Xavier Boyaud, digne des oeuvres de James Turrell. Comme toujours, Bruno Soulier signe la musique en direct avec le guitariste Ivann Cruz et la violoniste Léa Claessens.

Christian Vincent

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